C’est l’autre « caisse noire » du Medef, celle dont personne ne parle, faute de la connaître et d’en comprendre le fonctionnement. Sans doute l’un des plus anciens systèmes mutualisés au sein d’une profession – celle du bâtiment – qui a toujours fait preuve d’une certaine défiance vis-à-vis de l’État.
Héritage des Lumières et de ses réseaux maçonniques ? Ou simple volonté d’assurer aux entrepreneurs du bâtiment et travaux publics (BTP) une véritable emprise sur les politiques ? Soixante-dix ans après la création de ce système, en 2009, à l’heure de la crise, quelques artisans ont commencé à tirer la sonnette d’alarme, excédés par l’absence de transparence des caisses de congés payés du bâtiment. Un héritage encombrant du Front populaire et de Vichy que ni les syndicats ni le patronat ne songent encore à remettre en question.
Comme d’autres, Henri Maillot a un jour constaté le poids des caisses dans le fonctionnement de son entreprise. En 2004, ce chef d’équipe dans une PME de quarante personnes de la région limousine découvre que la caisse du centre-ouest prélève chaque année 170 000 euros pour payer les vacances des salariés de son entreprise. Une somme versée un an avant d’être redistribuée aux ouvriers. « Une confiscation, estime Henri Maillot, car l’entreprise n’a ni l’usus ni le fructus de cet argent. Mme Parisot [présidente du Medef depuis 2005] prétend vouloir “donner de l’air aux entreprises”, eh bien, que fait-elle ? »
Avec son frère François, banquier et féru de droit, Henri Maillot entame une guérilla juridique contre le statut des caisses de congés payés du BTP, en contestant leur existence en vertu du « principe de libre association » reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Mais la guerre est longue…